" Je ne cherche jamais les ennuis, généralement, ce sont eux qui... Bon, d'accord, je les cherche peut-être un peu. "
Tout était allé pour le mieux, rien n'avait filé de travers depuis cinq ans, alors pourquoi maintenant ? Albus leva les yeux et entraperçut son reflet à travers la fenêtre de la Salle Commune. Ses cheveux bruns aux fines et infimes mèches d'un châtain presque roux étaient toujours aussi désordonnés, ses yeux, d'un vert aussi intense que ceux de son père n'avaient pas changé, et son mètre soixante-quinze, lui, était le même. Pourtant, rien n'était comme avant. Pas seulement Poudlard, mais lui aussi. Il le sentait, tout au fond de son cœur et de son âme, cet étrange relent, ce tambourinement inconnu et singulier.
James jouait les chefs et l'avait laissé tomber. Lily, elle, ne lui avait jamais paru aussi lointaine que maintenant qu'elle lui était la plus proche. Oui, ils avaient acquis une proximité nouvelle mais, paradoxalement, il sentait qu'elle n'était pas avec lui. La seule chose qui conditionnait cette relation nouvelle se résumait à ça : bêtise, et, même s'il le voulait, il ne pourrait certainement pas l'empêcher. Elle n'était là que quand il jouait à imiter l'ancien James, pas quand il était lui-même, pas quand il se retrouvait seul et qu'il repensait à ce qu'il était réellement. Le frère de Lily Potter, le cadet de James Potter, le fils de Harry Potter. Voilà comment on l'avait toujours qualifié et comment on le reconnaissait encore aujourd'hui. Ce n'était pas pur pur égocentrisme ou par désir de prétention qu'Albus ressassait tous ses ressentiments, mais simplement par besoin de reconnaissance. Il avait fini par croire – voire espérer, même – que maintenant que James se sentait responsable et s'éloignait de lui, les gens pourraient enfin remarquer qu'ils étaient différents. Il se trompait éperdument, bien sûr. James était devenu le leader de sa résistance chevronnée, reprenant le flambeau de leur père, et lui, eh bien... Lui était resté le même garçon sans intérêt qui ne faisait que suivre des voies déjà tracées. Évidemment, il n'en voulait pas à Lily ou à son père, ni même à James – même si son nouveau caractère mériterait deux ou trois maléfices – mais il en s'en voulait à lui-même. Ça ne pouvait pas se passer comme ça, il ne laisserait pas sa vie continuer sur un chemin sans but. Il méritait d'exister, d'être reconnu pour ce qu'il était, pas pour ses liens avec d'autres personnes.
Albus se leva du fauteuil confortable sur lequel il était assis. Ses jambes étaient si engourdies qu'il eut l'impression d'y être resté pendant des heures. Ce qui n'était peut-être pas faux. Son père lui avait un jour dit que c'était ici-même qu'il avait aimé passer du temps pour réfléchir et se retrouver, voire même pour finir ses devoirs en retard en copiant sur tante Hermione. Immédiatement, un visage fin qui ressemblait parfaitement à celui de sa tante apparut dans les pensées d'Albus : Rose... Elle le comprenait mieux que quiconque, mais il n'avait jamais osé lui dévoiler tout ce qu'il avait sur le cœur. De toute façon, s'il l'avait fait, elle lui aurait sans doute répondu qu'il s'inquiétait pour rien et que beaucoup de monde l'aimaient pour ce qu'il était, ou alors que c'était simplement une conséquence due à l'enfermement subi qu'elle avait découverte dans un livre de la bibliothèque, dans l'aile « psychologie magique ». Si seulement il avait pu parler à ses parents... Sa mère savait pertinemment ce que l'on pouvait ressentir dans son cas, et oncle Ron également, peut-être même encore plus. Mais il n'y avait aucun moyen de communiquer avec l'extérieur. James et lui avaient déjà tout tenté, même le passage secret de la Salle sur Demande vers la Tête de Sanglier. C'était comme si quelque chose, un étrange sortilège, les empêchait d'avancer et de traverser. Une sorte de mur invisible, un voile transparent mais bien réel qui bloquait chacune des issues. Bien sûr, une ultime solution s'était imposée à Albus, et c'était accompagné de Rose et de Lily – avec son insupportable sourire qui avait réussi à le convaincre, malgré les risques évidents – qu'il s'était dirigé au rez-de-chaussée du château, bien après le couvre-feu. Selon Rose et l'Histoire de Poudlard – son livre de chevet hérité de sa mère qu'elle devait avoir lu plus ou moins dix-sept fois et demi – le transplanage était impossible dans l'enceinte de Poudlard, mais les elfes de maison, eux, possédaient des pouvoirs magiques qui n'étaient pas soumis aux règles des sorciers. Et pourtant, même eux s'étaient révélés purement incapables de sortir. Il avait assisté aux dizaines de claquement de doigts d'elfes de maison serviables qui avaient fini par se frapper la tête contre les murs pour leur impuissance. C'était en fait depuis cet instant qu'Albus avait fini par se résigner. Il se doutait qu'à l'extérieur les autorités tentaient de trouver un moyen de neutraliser le sortilège qui les emprisonnait, mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine crainte. Et s'ils n'arrivaient jamais à quitter Poudlard ? Ce château que son père lui avait décrit comme le plus bel endroit au monde allait-il devenir sa prison ? Et ces gens qui avaient remplacé leurs professeurs... Albus se souvenait avoir entendu Emily Young, de Poufsouffle, dire que le point de vue des Mangemorts n'était peut-être pas si mauvais, finalement... Si, comme elle, ils finissaient tous par adopter le point de vue que ces bourrages de crâne tentaient de leur inculquer ?
Il y avait tellement de questions, tellement de problèmes qui se bousculaient depuis quelques temps qu'Albus en vint à se demander s'il n'avait jamais connu la tranquillité à Poudlard. Si, bien sûr, il l'avait vécue, et son sentiment d'infériorité, s'il était présent, n'avait pas encore suffisamment d'importance pour qu'il y prête réellement attention et en éprouve des difficultés à dormir. Il devait y avoir un moyen, forcément, de remédier à tout cela... Mais lequel ? Et par où commencer ? S'impliquer encore davantage dans la Résistance de James ? Suivre ses ordres et voir une fois de plus qu'il était l'homme de la situation tandis que lui ne représentait que le suiveur sans intérêt commençait à l'agacer.
La jalousie... Un démon qu'il avait tenté de réprimer depuis des années mais qui avait réussi à prendre l'ascendant maintenant qu'il était renfermé sur lui-même, que tout le monde autour de lui parvenait à prouver sa valeur pendant qu'il restait là, sans savoir quoi faire, sans comprendre comment agir.
Pourtant, malgré tout cela, Albus savait que quelque chose de plus important perçait. Il n'avait pas le droit de succomber à ses craintes et à sa colère qui paraissaient d'une futilité exemplaire par rapport à la gravité des évènements. Rose, Lily, et toutes ces autres personnes qui comptaient pour lui. Ses amis, sa famille... Il ne pouvait pas rester là, les bras croisés, à se morfondre, pendant qu'ils couraient un danger. Alors la voilà, la solution. L'unique réponse, la seule possibilité de mettre un terme à tout ça, de défendre ce qu'il chérissait et d'obtenir la reconnaissance qu'il méritait.
Il combattrait, il résisterait, mais sans marcher dans l'ombre de James, sans dénaturer ce qu'il était, en gardant tout ce qui le caractérisait. Cette fois, il ne copierait plus son frère. Cette fois, il allait leur montrer qu'il était tout aussi important que son père.
Il résisterait. A sa façon.
La Répartition
Oui, il résisterait. Il le savait, la réponse avait toujours été là, depuis son arrivée à Poudlard elle lui avait même été confirmée, mais il avait fini par oublier. Pourtant, à présent, il se rappelait pertinemment des mots qui avaient résonné au creux de son esprit, des craintes qui avaient noué son cœur, et de cette voix, rauque et étrange, qui s' était instillée dans son crâne.
« De l'ambition, une grande ambition, même. Je reconnais en toi le même désir de faire ses preuves que j'avais déjà trouvé chez quelqu'un qui te ressemble beaucoup, il est peut-être encore plus fort chez toi... Tu sais de qui je parle, hein ? Tu éprouves l'envie de te démarquer, de clamer ton existence aux autres, de leur hurler que tu existes, que tu es là... Un projet plus qu'ambitieux, qu'une certaine maison pourrait indubitablement t'aider à accomplir, une maison verte et argentée... »
Albus se rappelait des frissons qui lui avaient parcouru la peau en entendant le Choixpeau lui murmurer et lui dévoiler tous ses sentiments qu'il avait depuis toujours refoulés. Mais il se rappelait également de la détermination qu'il avait ressentie, et des paroles que lui avait chuchotées son père, avant de prendre le Train, sur le Quai 9 ¾.
« Je sens pourtant en toi cette même force, ce même courage que j'ai déjà lu dans l'esprit de cet autre garçon indécis... Et tu as du sang Weasley qui rend le choix encore plus ardu. Et ton cœur, ton cœur appartient déjà à une maison, c'est indéniable, tu l'as voulue, tu l'as admirée, et tu voudrais y être envoyé. Peut-être que c'est elle la meilleure solution, après tout. Peut-être qu'en les rejoignant, peut-être qu'en sublimant ta hardiesse et ta bravoure, tes ambitions pourront aussi se voir réalisées. Peut-être bien, oui, que c'est en t'y laissant que ton désir de faire ses preuves finira par prendre tout son sens. Cela prendra du temps, sans doute, mais pourquoi pas ? Dans ce cas.. Je vais t'envoyer à... GRYFFONDOR ! »
Le Choixpeau le lui avait dit. Ce n'était pas en se morfondant qu'il arriverait à atteindre son but, mais en redoublant d'efforts, et en faisant honneur à cette maison. Les vertueux, les braves et les forts... Ce serait en devenant un véritable Gryffondor, en méritant enfin d'avoir été envoyé dans cette maison, que ces mêmes ambitions qui avaient failli l'envoyer à Serpentard finiraient par être accomplies.
Pourquoi avoir choisi les Résistants ?
La voilà, la réalité. Il ne pourrait prouver sa valeur que d'une seule manière, montrer qu'il était là, lui aussi, en protégeant ce à quoi il tenait, en étant réellement lui-même. Le Choixpeau l'avait su, il avait été capable de lire en lui, de voir à quoi il serait confronté. Atteindre la consécration tant désirée par une épreuve. Voilà ce qui l'attendait. Lily, Rose, Hugo, tous ses cousins, et même James, ce serait en les protégeant et en perpétuant l'œuvre de son père, en défendant ses convictions et en résistant à ceux qui leur voulaient du mal, qu'Albus pourrait enfin se sublimer, devenir lui-même pour enfin être reconnu comme tel. Il ne serait pas uniquement le frère du chef de la Résistance, ni même le fils du Survivant, non. Il serait Albus Severus Potter, consacré non pas pour ses liens, mais pour son rôle dans la Résistance.
Imperceptiblement, un sourire vint s'inscrire sur son visage, alors qu'il s'imaginait déjà, libérant Poudlard, neutralisant ce sortilège qui les emprisonnait, et récoltant la gloire de ses efforts, après tant d'années passées à vivre dans l'ombre.
Comment envisager le futur ?
C'était ainsi, à ce moment précis, alors que ses rêves les plus fous semblaient dénoués dans une conclusion tant espérée, que la nuit ainsi que la pluie battante au-dehors projetaient leur étrange aura, et que la lumière chaleureuse de la cheminée de la Salle Commune venait le réchauffer, qu'il se laissa vagabonder dans ce que lui dévoilaient ses fantasmes. Le futur, c'était à eux, les étudiants, de le saisir, et à lui, Albus, d'en faire partie. Il mènerait la résistance, sa propre résistance, celle qu'il était le seul à pouvoir faire, par son caractère et ses opinions. Elle ne serait sans doute pas aussi organisée et sérieuse que celle de James, mais elle serait là, elle aussi. Il ferait son possible pour leur faire regretter d'avoir mis en danger l'existence des personnes auxquelles il tenait. Après tout, c'est ce qu'avait fait son père pendant l'ère de Dolores Ombrage, et c'est ce qu'avait fait sa mère quand Poudlard et le monde magique avaient été aux mains de Voldemort. Ils s'étaient battus pour ce qu'ils croyaient juste, et avaient obtenu la reconnaissance.
Ce ne serait pas en reniant ses liens qu'Albus pourrait réussir, il l'avait compris. Mieux valait employer ce que ses parents et sa famille avaient accompli avant lui, les réutiliser, et s'en servir pour son propre rêve. Car ce n'est pas du nombre de partisans que dépend la force, mais de la grandeur des convictions. Voilà encore une leçon à tirer.
Mieux valait donc que ces imbéciles et leur Marque des Ténèbres se préparent, parce qu'Albus Severus Potter avait décidé de tout mettre en œuvre pour ne pas leur faire de cadeaux, sans renoncer à ce qui le caractérisait réellement, son humour qui était là, toujours présent, dans son cœur, et que ses craintes avaient réprimé, mais que ses rêves et ses espoirs, eux, venaient d'embraser..
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Sujet: Albus Severus Potter Ϟ Sinon, y a toujours des Bombabouses 
Jeu 13 Juin - 11:21
